Qualité des eaux : Impact global des effluents urbains sur les zones naturelles

Rapport bibliographique écrit par Emmanuel TANGUY, consultant en traitement des eaux

Les capacités épuratrices des milieux naturels, permettant à un écosystème aquatique équilibré de transformer les substances d’origine humaine qui lui sont apportées, sont accélérées et amplifiées dans des ouvrages de station d’épuration. Une multitude de bactéries naturellement présentes dans l’eau transforment la pollution en l’utilisant pour leur propre croissance en la minéralisant. Pendant la période estivale, la baignade en mer constitue une activité récréative très pratiquée. À cette occasion, le public français et étranger souhaite trouver un environnement accueillant, préservé de différentes formes de pollution ou de nuisance. La qualité de l’eau de baignade représente un facteur de santé, de même que les zones conchylicoles, mais est devenue également un élément important de développement touristique. La surveillance de cette qualité demeure une préoccupation constante des départements ministériels chargés de la santé et de l’environnement. Lannion, agglomération de 120 000 habitants en 2018, a une fréquentation touristique qui propose 100 000 lits supplémentaires en haute saison. La limite de saturation des stations d’épuration exerce une pression sur les milieux aquatiques et le littoral. La baie de Lannion est fortement polluée par les développements d’algues vertes, gênantes pour les baigneurs et la vie aquatique. De même, la moitié des gisements de coquillages suivis par la DDASS et l’IFREMER sont interdits à la pêche récréative, dont l’estuaire de la rivière de Lannion qui est classé insalubre depuis 30 ans.

L’appréciation de la qualité de l’eau, effectuée selon les dispositions du code de la santé publique et de l’environnement, est réalisée au moyen de deux types d’indicateurs : biologiques et physicochimiques. Le littoral étant soumis aux pollutions en amont sur les bassins versants, des indicateurs de qualité des cours d’eau sont également présentés. Les indicateurs de pollutions sont parfois coûteux ou difficiles à suivre. Ceux qui ont été retenus ne sont pas toujours pertinents pour l’ensemble des pollutions existantes. Les règlementations doivent tenir compte de la faisabilité des suivis et des contrôles qui devront être réalisés pour les appliquer. Il me sera également demandé de trouver des indicateurs plus représentatifs qui puissent différencier une pollution fécale humaine d’une autre animale — par conséquent, ma soutenance s’appuie sur de nombreux travaux scientifiques universitaires — et notamment d’analyser les conséquences et les impacts des perturbations anthropiques sur les ressources.

Ces travaux s’inscrivent dans la problématique environnementale actuelle qui vise à restaurer et à préserver les écosystèmes aquatiques. La DCE (directive-cadre sur l’eau) a imposé pour l’année 2020 l’objectif général, à l’échelle européenne, « d’atteindre un bon état écologique des différents milieux aquatiques ». L’échéance pour la réalisation de cet objectif, demandant un travail colossal, a été reporté à 2027. Cependant, pour les sites où le niveau écologique souhaité n’est pas atteint, le développement de méthodes permettant de comprendre les causes sous-jacentes sont indispensables. C’est dans cette optique que les objectifs de ces travaux ont été définis.

Difficultés et limites des normes en vigueur

Réseaux d’assainissement par période de pluie

Le fonctionnement des stations d’épuration est mis en difficulté en cas de fort épisode pluvieux, car cela dilue les effluents à traiter. Les déversoirs d’orages relâchent directement les eaux usées dans le milieu naturel. La nécessité d’assainir les eaux pluviales des villes avant leur restitution au milieu n’est pas généralisée.

Pertinence des lois

Selon Caroline Gardia-Parège (université de Bordeaux), la surveillance de l’environnement se réfère classiquement aux réglementations. Les conventions se focalisent sur un nombre défini de molécules, la DCE préconise la surveillance de 53 molécules. Or la société américaine Chemical Abstract Service (CAS) référençait plus de 88 millions de molécules. Ces composés subissent de nombreux processus biotiques et abiotiques, qui peuvent générer des métabolites pouvant être plus dangereux que les molécules parentes. En plus de ces produits de transformation, il peut exister des effets complexes de mélanges entre les molécules. Ces effets « mélange » sont difficiles à mettre en évidence et représentent un point laissé de côté dans l’évaluation du risque. La sous-estimation du danger est d’autant plus importante que la détection de composés présents n’est pas toujours réalisable. À ce constat s’ajoute le fait que certains composés peuvent entraîner une réponse biologique à des concentrations extrêmement basses. Bien que performantes, les techniques analytiques actuellement disponibles ne permettent pas la détection de ces molécules à ces niveaux de concentration. Toutes ces limites amènent à la difficulté d’établir un lien correct entre molécules présentes et effets biologiques observés. Selon un rapport AFSSET du 10/2007 et Valérie Derolez de l’École nationale de la santé publique, une étude de la corrélation entre les résultats de dénombrement des indicateurs microbiologiques, vis-à-vis du risque de toxi-infection alimentaire collectif, n’a aucune pertinence. En effet, dans la majorité des cas, les coquillages incriminés dans les épidémies respectent la norme en E. coli. Ils proviennent, pour certains cas, des zones classées A. Ce résultat démontre le peu de fiabilité des indicateurs fécaux vis-à-vis du risque viral. Il n’existe donc pas de relation entre les indicateurs et la présence de pathogènes.

Cultivabilité bactérienne

Selon l’université Claude Bernard Lyon 1 et l’INSA-Lyon, après un stress tel que la carence nutritionnelle, des bactéries, telles que Escherichia coli, perdent leur capacité à former des colonies sur milieu gélosé. Malgré leur perte de cultivabilité, ces bactéries ont conservé leur intégrité membranaire ainsi qu’une certaine activité physiologique. Une controverse apparaît alors pour savoir si ces bactéries sont finalement vivantes réversibles, ou mortes. Dans le cas où il s’agirait effectivement d’un état transitoire réversible, les conséquences dans le domaine du contrôle qualité bactériologique seraient importantes, puisque certains échantillons pourraient être des faux négatifs. Toutefois, la diversité bactérienne est encore peu accessible en culture puisqu’il est généralement admis que la fraction non cultivée représente plus de 95 % des espèces, notamment dans l’environnement.

L’écotoxicologie

L’écotoxicologie a été conçue à la suite d’une prise de conscience des effets que pourraient entraîner l’introduction et la dispersion de polluants chimiques dans l’environnement. Sa finalité est d’évaluer l’impact des substances chimiques produites et exploitées par l’homme sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes naturels, afin d’en évaluer l’incidence à tous les niveaux d’organisation biologique. Les effets biologiques des polluants peuvent être assimilés à des biomarqueurs de pollution dans le règne animal et végétal. La caractérisation de ces marqueurs peut permettre la mise en évidence précoce de pollutions avant l’altération de la structure des organismes, et surtout avant que les populations de l’écosystème ne soient perturbées. Associée à une enquête de biosurveillance, qui a pour ambition d’évaluer les menaces pesant sur des biotopes, elle a comme objectif la détermination du degré de contamination des réseaux trophiques aquatiques par des xénobiotiques et d’en apprécier la dynamique au sein de ces réseaux. Les divers facteurs de pollution physico-chimique posent un problème difficile et urgent, menaçant la qualité des eaux. La pollution de xénobiotique est fréquente et provient des effluents domestiques, agricoles, industriels qui sont retrouvés dans les biotopes. Les dérivés du phosphore sont issus des lessives et participent, avec ceux de l’azote, au phénomène d’eutrophisation. Les métaux représentent une forme particulière de pollution chimique : ils sont déversés par lessivage des sols urbains et agricoles. La pollution organique par les détergents non biodégradables, les hydrocarbures, médicamenteux, est une autre forme de pollution chimique. Elle est inquiétante par son aspect ubiquitaire, persistant, insidieux et polyvalent et l’effet perturbateur endocrinien. Ces substances pourraient interférer sur diverses espèces, car ce n’est pas la dose qui fait le poison. De même les stations d’épuration rejettent des eaux qui répondent à des critères déterminés par des lois administratives, soit l’azote, le phosphore et matière organique dissoute, mais les milieux de rejet répondent à des lois naturelles. Aujourd’hui, des réglementations existent à l’échelle mondiale comme européenne. En 2001, la convention de Stockholm a été adoptée visant à diminuer voire stopper la production de polluants organiques persistants. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a procédé à l’examen du rapport du 18 mars 2003, sur la qualité de l’eau et de l’assainissement en France et a considéré « qu’il y avait dans certains départements une sorte de connivence politico-économico-administrative entre les élus, l’État et les professions impliquées dans la dégradation de la ressource en eau. Comment avoir des attentes du XXIe siècle avec des technologies du XXe et des mentalités du XIXe siècle ? Alors tout confirme que la protection des eaux, souvent présentée comme une priorité, n’en est pas une. L’évaluation de l’exposition requiert de déterminer la présence de contaminants dans les écosystèmes en estimant leur concentration et leur biodisponibilité. L’objectif primordial de la détermination des espèces métalliques, HAPs, POPs, détersives et médicamenteuses vis-à-vis de l’environnement est d’identifier les espèces qui sont à l’origine des effets nocifs pour la vie aquatique, à partir de mesures de biodisponibilité et de toxicité.

Interactions entres polluants

(Écotoxicologie. Théorie et applications 1997 par V. E. &T. L. Forbes et J. L. Rivière agronome à l’INRA.)

La biodégradation peut simplement catalyser d’autres réactions physico-chimiques si les métabolites sont plus réactifs que la molécule d’origine. Ainsi, la biodégradation peut, selon le cas, rendre à nouveau disponible un métabolite pour des processus chimiques ou biologiques, mais aussi induire son piégeage et donc le soustraire aux processus biologiques, ou encore faciliter sa fuite vers l’atmosphère. En ce qui concerne les facteurs favorables à la biodégradation, les populations bactériennes doivent connaître des conditions de croissances appropriées. Il apparaît ensuite nécessaire que ces populations subissent une exposition progressive aux pesticides et autres xénobiotiques pour développer une aptitude à la biodégradation. Le devenir ultime de ces polluants est déterminé par leurs effets et leurs interactions avec la faune et les autres éléments vivants. Les études des effets des invertébrés sur les propriétés physicochimiques des sédiments et des sols datent de Charles Darwin (1896). Les seules approches de la chimie de polluants dans les sols et les sédiments sont la fiole de laboratoire et les suspensions de sédiments. Même dans ces situations simplifiées, les études du devenir et des effets se sont déroulées parallèlement, sans liens réciproques, sans tenir compte de la manière dont le milieu, dans lequel le benthos vit et échange de la matière, développe des caractéristiques physicochimiques qui vont finalement déterminer le devenir des polluants. Les organismes sédimentaires exercent indirectement un certain degré de contrôle sur la toxicité des polluants par bioturbation. Les interactions entre éléments vivants, sédiments et polluants sont modulées par l’activité des organismes sédimentaires : la construction de galeries augmente les surfaces, donc les échanges entre les milieux oxygénés et anoxiques et les échanges par diffusion dans la colonne d’eau augmentent. Les éléments vivants ont une grande influence sur l’intensité et la localisation de réactions d’oxydoréduction, et augmentent l’hétérogénéité biogéochimique globale. En absence de connaissances théoriques plus précises sur l’interaction des effets biologiques à divers niveaux d’organisation, nous n’arriverons pas à donner un sens, même aux données les plus normalisées et mieux harmonisées. Il n’y a pas de réponses simples aux difficiles problèmes culturels, scientifiques, politiques et économiques auxquels nous devons faire face. Pour transformer ces pollutions, la métaremédiation est une solution : c’est une technique basée sur la dégradation des xénobiotiques par les plantes et leurs interactions avec les micro-organismes.

12 réflexions au sujet de « Qualité des eaux : Impact global des effluents urbains sur les zones naturelles »

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